Eugène Autrique imaginait-il que sa maison, construite d'après les plans de Victor Horta en 1893, marquerait ainsi la postérité? A peine franchie la porte du n°266 de la chaussée de Haecht, le visiteur se trouve véritablement imprégné de l'ambiance si particulière des maisons bruxelloises d'autrefois. De la cuisine-cave jusqu'au grenier, cette demeure laisse entrevoir les prémices de l'Art Nouveau, tout en invitant à un voyage imaginaire proposé par François Schuiten et Benoît Peeters...
Tracée dès 1905, l'avenue Louis Bertrand relie la chaussée de Haecht au parc Josaphat. Elle compte, aux côtés de l'avenue Louise et de l'avenue de Tervueren, parmi les plus belles artères de la capitale. Des concours de façades ont incité de nombreux architectes à construire des habitations très élégantes et affichant une très grande diversité : sgraffites, ferronneries, céramiques, tourelles et bretèches les animent joyeusement.
Premier prix de l'un de ces concours, les immeubles d'esprit néo-renaissance des n°1 et 2 sont érigés à l'initiative d'une société d'assurance (O. Lauwers-1909). Formant l'angle de l'avenue L. Bertrand et de la chaussée de Haecht, ils délimitent le parvis de l'église Saint Servais et encadrent la perspective vers le parc.
Une belle porte en chêne, des visages sculptés dans la pierre, des éléments de ferronnerie, des animaux fantastiques : tout un décor médiéval surprend le promeneur au n°19 de l'avenue L. Bertrand. L'architecte Charles Temperman, récompensé par la médaille de bronze, répond ici en 1908 au souhait d'une bourgeoisie férue de références historiques et désireuse d'affirmer son statut notamment par le recours à des matériaux de qualité. Dans ce décor, la cerise schaerbeekoise n'est pas oubliée!
Schaerbeek possède un remarquable patrimoine Art Nouveau. Henri Jacobs, dont le père était inspecteur des écoles communales bruxelloises, édifie en 1907, en collaboration avec l'artiste Privat Livemont, un véritable palais scolaire. Ingénieux, il exploite la forte déclivité du terrain et superpose deux établissements, qui conservent cependant une autonomie fonctionnelle. Un décor d'abeilles, de ruches, de fleurs de camomille et de cerises orne l'entrée principale de l'ancienne école Industrielle au n°30 rue de la Ruche. L'initiale de Schaerbeek marque la baie magistrale, toute de verre et de fer. L'immeuble voisin, l'Institut Saint Augustin au n°28, affirme à travers son architecture néo-gothique son appartenance au réseau d'enseignement catholique.
Le Musée schaerbeekois de la bière, au n°35 de l'avenue Louis Bertrand, évoque les nombreux brasseurs de la commune au 19ème siècle et invite à découvrir leur savoir-faire et les étapes de la production de la bière. Des collections de bouteilles, de plaques publicitaires émaillées et de tonneaux témoignent de la richesse du patrimoine brassicole belge.
Le jardin du n°37 sert d'écrin au presbytère du 18ème siècle qui, autrefois, faisait face à la première église gothique Saint Servais. Au 13ème siècle, fermes, vignobles et moulins à eaux composaient autour de l'église le village rural d'autrefois. Selon le souhait du roi Léopold II, l'édifice religieux qui s'élevait en travers de la nouvelle perspective, à hauteur du vase monumental, a cédé la place en 1911 au projet d'avenue Louis Bertrand et à la nouvelle église Saint Servais. La maison du n°39 aux couleurs bleues et blanches propose mille fantaisies: bretèche polygonale, pignon décorant le sommet de la façade ou encore petite lucarne dans la toiture.
Au n°43, place aux jeux de courbes et contre-courbes: observez les tiges végétales sculptées dans la pierre bleue, le mouvement baroque imprégné aux ferronneries de la cuisine-cave et l'élan vertical de la façade se terminant par un épi de fer forgé! L'architecte Gustave Strauven donne vie en 1906 à une façade Art Nouveau d'une grande modernité.
La compétence d'un architecte s'affirme souvent par sa manière de traiter les angles. Strauven réussit avec brio l'élévation des deux immeubles de rapport aux n°53-61, agrémentés de briques colorées et de carreaux de céramiques, aux angles de l'avenue Louis Bertrand et de la rue Josaphat. Au n°65, il déploie une ferronnerie nerveuse et élégante dans cet auvent étonnant. Il signe la façade du n°53 au bas d'un tableau en céramiques et qui illustre le noyau villageois primitif. L'âne aux oreilles ornées de cerises rappelle-t-il l'ancien nom de la rue Josaphat autrefois surnommé « Ezelweg », ou chemin des Anes ? Il est vrai que seuls les Shaerbeekois avaient le privilège de transporter les produits de leur récolte à dos d'âne et de les vendre sur les marchés de Bruxelles !
La rue Josaphat permet de découvrir l'autre côté du complexe scolaire de l'école Communale n°1 (H. Jacobs-1907). Les hautes fenêtres du n°241, séparées par des colonnes de fonte, sont celles du gymnase et font la part belle à la lumière. Le portail du n°229, surmonté d'un flambeau symbole de la Libre pensée, affirme la volonté d'offrir à mille élèves un établissement laïc dans une architecture Art Nouveau dotée des équipements les plus modernes tels que des laboratoires et une piscine !
Découvrez la devise inscrite en toutes lettres au dessus de la porte arrondie de la façade du n°67 de l'avenue Louis Bertrand : « Oost West Thuis best ! »
Le Schaerbeekois François Hemelsoet, déploie son talent d'architecte au n°88 de la rue Kessels (1906). Cygne et nénuphars décorent le vitrail en imposte. L'élévation se clôture par une jolie baie en arc outrepassé, précédée d'un petit balcon. Deux lézards en guise de poignée guettent le visiteur à la porte d'entrée.
Connaissez-vous Henri Villard ? Dans la rue qui porte son nom, une plaque évoque, à l'angle de l'avenue Deschanel, cette personnalité étonnante qui mit au point l'autogire, ancêtre de l'hélicoptère.
Saviez-vous qu'un Schaerbeekois né en 1855 fut élu Président de la République française? L'avenue Paul Deschanel, qui porte son nom, est tracée suite au voûtement en 1919 de la ligne de chemin de fer du Luxembourg. Cette artère arborée qui traverse la commune met en valeur des constructions datant pour la majorité de l'entre-deux-guerres. L'habitation du n°76, avec ses lignes géométriques et son toit plat, est animée par un enchevêtrement de briques jaunes et ornée de roses en son centre. Ces mêmes roses décorent également le bel immeuble de rapport élevé par E. Vanlerberghe au n°58.
L'harmonie d'ensemble de l'avenue Deschanel laisse aussi la place à la diversité architecturale, comme le révèle cette maison au pignon à colombages et aux allures charmantes de cottage anglais édifiée par l'architecte décorateur J. Van Tuyn au n° 30. Au côté d'un putto, un millésime dévoile l'année de construction de la maison.
Un bel équilibre émane de l'habitation particulière associant pierre et briques blanches au n°20 (E. Vanlerberghe-1930). L'exécution raffinée de la porte d'entrée, avec ses tons or, rend hommage aux fleurs !
Sur le trottoir opposé, aux n°13 et 17, des maisons jumelles encadrent une belle demeure sur la façade de laquelle un aigle déploie les ailes. Conçu pour l'Exposition universelle de Gand en 1913, le Mât électrique réalisé par Jacques de Lalaing et offert à la commune en 1926, a retrouvé son emplacement d'origine à l'entrée du parc Josaphat, qu'il éclaira jusqu'en 1950. Saviez-vous que le sculpteur, soucieux d'un rendu réaliste de l'anatomie des neuf tigres, en gardait un en cage dans son jardin ?
Au-delà du pont du chemin de fer, pénétrez dans le parc Josaphat, espace verdoyant aménagé par Edmond Galoppin en 1904. Ancienne propriété privée, ce jardin à l'anglaise doit son nom à sa ressemblance avec la vallée Josaphat en Palestine. Avec pour arrière plan l'enfilade des maisons de l'avenue des Azalées, la promenade en direction des étangs est jalonnée de différentes sculptures dont, à l'ombre d'un sapin, le buste d'Emile Verhaeren, qui l'arpenta maintes fois. D'autres artistes sont également évoqués à quelques pas du joli pigeonnier : ainsi le dramaturge Nestor de Tière fait face au peintre Léon Frédéric.
Lieu propice au calme et à la promenade, le parc Josaphat se révèle aussi accueillant pour les enfants : un espace de jeu leur est réservé non loin de l'enclos aux ânes.
Les saules pleureurs du parc se rappellent-ils la légende immortalisée par la « Fontaine d'Amour » (M. De Rijck-1988): l'histoire d'un amour impossible entre une châtelaine et un meunier réunis à jamais dans les eaux d'une source...
Autrefois espace de baignade, aujourd'hui lieu de détente, le parc fait la part belle au sport : en face du golf miniature, une pelouse est réservée aux sociétés de tir à l'arc. Avant de quitter le parc Josaphat notez le rendez-vous annuel, chaque dernier week-end du mois de juin, pour célébrer en famille la fête de la cerise, celle de tous les Schaerbeekois ! Préparez-vous au concours de crachat de noyaux de cerises. Le record à battre : 14,01 mètres !
Le Palais des sports, rendez-vous sportif le plus prisé de la capitale, a laissé place en 1970 aux 34 étages de l'immeuble Brusilia édifié par l'architecte J. Cuisinier.
Le côté pair de l'avenue Louis Bertrand recèle d'intéressantes constructions telle cette élégante demeure de 1908 située au n°66. Au 1er étage, de belles portes-fenêtres s'ouvrent sur un large balcon. Au sommet du pignon d'allure baroque un aigle prend son envol.
A quelques pas de là, les architectes Fastré père et fils donnent des allures de petit château à l'immeuble du n°50 construit en 1906. Deux tours encadrent la façade la plus étroite de cet imposant bâtiment précédé d'un jardinet entouré d'une grille.
François Hemelsoet montre que l'Art Nouveau ne se limite pas aux lignes organiques : sa réalisation au n°38 propose des ouvertures aux formes très variées.
Au centre de l'avenue Louis Bertrand trône un vase monumental en bronze baptisé « Bacchanales ». Offert par Raoul Warocqué et réalisé par le sculpteur Godefroid Devreese, ce vase y est installé dès 1911 marquant l'emplacement du chœur de la première église Saint Servais. Il met à l'honneur le dieu Pan, entouré de nymphes : place à l'ivresse du vin et de la danse !