Parcours n°11 L’avenue des cerisiers et le quartier Diamant

Voici le temps de partir à la  découverte d’une partie de la commune de Schaerbeek probablement moins connue du promeneur.  Entre l’autoroute E 40 et le boulevard Reyers, ce quartier s’est trouvé au fil du développement urbain quelque peu  isolé par les voies autoroutières formant comme une enceinte.

Et si nous rejoignions les bancs de l’école au n°253 de l’avenue de Roodebeek ? Tel un paquebot moderniste, s’y déploient des volumes horizontaux associant habilement le bois et de grandes baies vitrées. Si l’école libre du Divin Sauveur fut fondée il y a cinquante ans, c’est en 2008 que l’Atelier 229 finalise ce bâtiment abritant douze classes  primaires et maternelles.

Tout à côté, l’église du Divin Sauveur, construite par l’architecte Léonard Homez  dès 1935, présente deux versants pentus formant une façade-pignon animée de part et d’autre du porche d’une paire de petites baies en plein cintre pourvues de vitraux aux motifs plutôt Art Déco : noirs, bleus et gris. Un  recul permet de contempler le vitrail principal qui illumine largement la nef : l’arbre de vie, réalisé par Pierre Majerus. En 1963, l’architecte Jean Dehasse agrandit l’église par l’ajout d’une chapelle donnant sur l’avenue Smekens, que nous atteignons en longeant la façade gauche.  Ce petit lieu de culte est  également orné de vitraux aux formes abstraites et aux couleurs chatoyantes, dessinés par M.Nevens et réalisés par H. Mortier. Remontons la rue Aimé Smekens, héros de la première guerre mondiale. Au n° 33, une imposante maision patricienne, en retrait et perpendiculaire à l'alignement actuel fait face à une maison en briques rouges (n°30) avec son petit pignon appartenant également à une page antérieure à l'urbanisation de ce quartier.

Descendons et prenons à droite la rue William Degouve de Nuncques rappelant la présence à Schaerbeek de ce peintre symboliste originaire (1867-1935) des Ardennes françaises. Il épousa la belle-sœur d’Émile Verhaeren et renforça ainsi ses liens avec les milieux symbolistes belges. A l’angle du square Levie, une plaque rappelle sa présence dans la commune.

L’avenue des Cerisiers offre une jolie palette de façades qui retiennent notre attention. Plusieurs remontent à l’entre-deux guerres et témoignent des goûts variés de la bourgeoisie de l’époque. Parmi elles, la maison du n°78, datée de 1934. Son petit balcon au-dessus de la porte d’entrée, le larmier qui s’y profile, le soin apporté aux ferronneries blanches conduisant à l’entrée révèlent le souci du détail de l’architecte Mostinckx qui signe également le n°54
Au n° 68,  Raymond Moenaert édifie un hôtel de maitre où domine la symétrie et dont la travée centrale accueille une élégante porte d’entrée, surmontée d’un balcon. Le travail de briques rouges offre un beau contraste avec les châssis noirs. Le lierre a pris quelque peu possession de la façade du n°53.  Si d’un premier coup d’œil elle nous paraît assez austère, ses proportions, les châssis intégrant des vitraux aux lignes géométriques et la toiture plate sont autant de témoins d’une architecture encore largement influencée par l’Art Déco.

Rejoignant le côté pair, quelques pas dans la rue Smekens nous permettent de découvrir au n°10 une maison de Lucien François (1894-1983), l’un des architectes qui introduisit le courant moderniste chez nous sous l’influence de F. Lloyd Wright. Nous retrouvons ici une composition géométrique dont  l’appareillage de briques et les linteaux en béton soulignent les formes triangulaires. 

Retour à l’avenue des Cerisiers n°37 ou une petite habitation moderniste élevée par Henri Derée se dissimule au creux d’une parcelle d’angle, masquée par une végétation abondante. A propos du traitement des angles, rendez-vous au n°4. Un  immeuble à appartements  qui affiche sa façade la plus étroite, au carrefour formé avec le boulevard Reyers.  Le bâtiment est imposant, les baies vitrées s’y déploient tout en  largueur, dans des lignes très sobres.  Difficile pourtant de trouver l’entrée …elle est des plus discrètes ! En face, au n°104 c’est un mouvement circulaire qui caractérise l’angle de cet immeuble de briques rouges.  Vingt ans séparent les deux constructions.

Longeant le viaduc Reyers construit dans la mouvance des années 50-60, laissons-nous surprendre par la découverte de belles maisons de maitre comme ces constructions jumelles à l’allure classique des n°114-116 et 118 qui se différencient uniquement par l’ajout d’un étage. L’architecte M. Tilman relie  le boulevard au square Vergote par un imposant immeuble d’angle, couronné par un dôme.

Une moitié sur la commune de Schaerbeek, l’autre sur celle de  Woluwé Saint Lambert, le square Vergote rend hommage à Auguste Frédéric Vergote, ancien gouverneur du Brabant.  Bien préservé, ce square offre un temps d’arrêt et de repos le long de ce bruyant axe routier.   Elégance et style sont les maîtres mots pour cet écrin architectural constitué par des hôtels de maitre  majoritairement de style Beaux Arts, tel le n°28 : quel beau mouvement que celui de ces ferronneries intégrées dans la terrasse en pierre bleue ! Des fruits et un visage d’enfant souriant vous accueillent à la maison voisine, au n°26,  qui abrite aujourd’hui une école néerlandophone.  Datant de 1923, ses jeux de briques jaunes et oranges, son pignon percé d’un oculus et surmonté d’un vase ont tout pour nous séduire. Formes classiques, matériaux nobles, belles finitions ; les caractéristiques du style Beaux-Arts sont réunies au n°20. Avez-vous observé le jeu des carrelages habillant la loggia du troisième étage ?

Dans les années 20, l’ingénieur architecte Alfred Nyst construit, de chaque côté du square Vergote, une maison.  Au n° 16, il confère à la façade un mouvement arrondi, profitant ainsi de la parcelle d’angle formée avec l’avenue H. Hoover. Sous-bassement en pierre bleue, appareillage en briques jaunes pour les étages, toiture plate et loggia soutenue par cinq fines colonnes, confirment l’option d’un dépouillement du décor dans cette construction moderniste de 1928.  

Rejoignons à présent, au milieu du square, le monument aux Morts du Génie, chef d’œuvre du sculpteur Charles Samuel et l’architecte Joseph Van Neck. 

Un passage souterrain permet d’atteindre le côté opposé du boulevard A. Reyers.  Au n° 45, nous retrouvons la maison Fournier, réalisation d’Alfred Nyst datant de 1922, et qui constitue un exemple marquant de l’architecture Art Déco bruxelloise.  Une autre  promenade, le parcours 7, nous a également donné l’occasion d’aborder le  n°205 du boulevard construit en 1927 par l’architecte Pierre Meeuwis.  Ici, l’essentiel du décor consiste en un savant jeu d’appareillage de briques, dont la façade donnant sur la rue Général Gratry offre un bel exemple.  Quelques pas plus loin, l’immeuble à appartements du n°187 propose un remarquable portail servant  d’auvent  et intégrant également deux lanternes. La symétrie de l’élévation est bien lisible dans les deux travées extérieures en saillie, qui contrastent avec les travées centrales intégrées dans l’alignement de la façade. 

Parce que le temps qui s’écoule est si précieux, rendez-vous, sans tarder, au  Clockarium. Au n° 163 du boulevard Reyers, logé dans une imposante demeure des années 30, ce musée nous rappelle qu’au siècle dernier, chaque maison en Belgique et dans le Nord de la France possédait une pendule en faïence ornant fièrement la cheminée.

L’avenue du Diamant nous invite à découvrir une autre approche du bâtiment d’angle formé avec le boulevard. L’immeuble ne laisse pas indifférent : il domine l’angle par sa monumentalité et offre un jeu étonnant de décrochements, suggérant peut-être les pignons en escalier d’autrefois. Le premier tronçon de l’avenue du Diamant nous permet de découvrir au n°189 une maison aux châssis verts élevée dans l’esprit moderniste.  

Une pause s’impose à la hauteur du carrefour formé avec l’avenue Lacomblé.  Observons les immeubles d’angle qui le forment : quatre copies identiques! Ces élévations de six étages présentent  chacune une entrée parée de briques émaillées blanches donnant toutes sur l’avenue du Diamant. Symétrie et originalité dominent au n°161 élevée par  l’architecte L.M. De Wit en 1937.  Quelle intéressante porte d’entrée et quelle audace dans les baies vitrées tubulaires.

Au delà de l’avenue de l’Opale, l’avenue du Diamant nous donne à admirer plusieurs habitations du début du vingtième siècle, caractérisée par la recherche du bon goût de cette époque.  Le n°156, classique dans son vocabulaire architectural, présente une porte d’entrée agrémentée de vitraux, un premier étage en saillie orné d’un jeu de guirlandes et un pignon à volutes finement travaillé. 
De nombreuses réalisations  sont signées René Doom, tel le n°143, datant de 1913 et orné à son sommet de feuillages et d’un visage sculpté par F. Van Cuyck.  Vous reconnaîtrez la patte de l’architecte au n°137 : des grappes de raisins animent cette maison bourgeoise.

C’est au n°138, comme le mentionne la plaque commémorative, que Jacques Brel (1929-1978) passa ses premières années d’enfance.   Les recherches décoratives dont la bourgeoisie des années précédant la première guerre mondiale était tellement friande, se confirment au n° 132 : visage féminin sculpté sous le bow window, homme barbu couronnant le pignon et fruits en abondance décorant tant les  ferronneries du portail d’entrée que les bas-reliefs… sont autant de promesses d’abondance et de prodigalité…

D’un registre décoratif abondant à un autre plus épuré, rendons nous, à l’opposé du square Eugène Plasky, au n° 103 de l’avenue du Diamant accueillant un intéressant bâtiment d’angle d’esprit Art Déco. Une belle façade Art nouveau datant de 1910 attend le promeneur au n°78 de l’avenue Plasky. La lumière pénètre par une grande baie à l’arc arrondi, traitée dans toute sa largeur. Pour clôturer cette promenade, laissons-nous séduire par l’effet théâtral, mais néanmoins séduisant, de cette demeure bourgeoise au n°74 : son balcon digne des plus beaux décors de théâtre s’intègre dans une façade mêlant élégance et classicisme.