Parcours n°11 Le Quartier Nord

Dominant de toute sa hauteur  la place Solvay, le Centre de Communication Nord (CCN) englobe la gare du Nord actuelle.  Edifié au lendemain de la deuxième guerre mondiale, il témoigne encore du monumentalisme des années trente.  Difficile d’imaginer que se trouvait, ici, l’ancien faubourg de Cologne, un quartier commerçant et résidentiel qui s’était développé dès 1839 autour de la gare de Cologne, laquelle remplaçait celle de l’Allée verte. Dans l’euphorie des années 1960, germa l’idée de transformer les environs de la nouvelle gare du Nord en un quartier d’affaires à l’image du modèle américain : rêve  d’un World Trade Center comprenant huit tours.  C’est ainsi que le  plan  d’aménagement « Manhattan » a vu le jour !  Dos au CCN,  se dressent trois tours portant les lettres WTC, elles seront finalement les seules réalisées dans le cadre de ce projet. Après cet échec urbanistique des années 60, ce quartier a connu une nouvelle dynamique dans les années 80. Des immeubles de bureaux abritant de grandes entreprises et des ministères furent construits le long de l’actuel boulevard Albert II. 

Véritable galerie de sculptures, le Boulevard Albert II nous invite à poser un regard contemporain sur son aménagement. Devant l’esplanade de la place Solvay, l’artiste Belge d'origine Polonaise Tapta (1926-1997) propose une œuvre géométrique monumentale « Esprit ouvert -Perspectives et Réflexions » créée sur un plan d’eau qui en capte le reflet. Suivons le sentier central partant sur la droite en direction de la place Gaucheret.  Dans cet espace paysager dessiné par  Jacques Wirtz nous découvrons d’autres  sculptures telles  « l’Arche » de Pierre Culot  et, quelques pas plus loin, « La Couleur au Nord » de Pal Horvath, autant de créations qui en font un lieu de promenade artistique et de contemplation. 

La rue Rogier - sur notre droite- contraste par son bâti plus ancien avec les  façades mur-rideau du quartier d’affaires que nous venons de quitter.  Arrivés à la rue du Progrès, jetons un regard vers la droite : la tour-horloge de la gare du Nord, repère quotidien de milliers de navetteurs, affiche un style résolument Art Déco.

Longeons à présent la rue du Progrès, qui fut amputée de son côté pair par  les travaux de la jonction Nord-Midi.  Quelques belles maisons éclectiques ont traversé le temps et rappellent l’activité  industrielle du quartier.   Posons un regard, en particulier, sur les détails des façades n°291, n°293 et n°295.

Sur la gauche, suivons  l’avenue Ph. Thomas dont le tracé courbe  rappelle la ligne de chemin de fer reliant Bruxelles à Malines dès 1835.  Nous arrivons Place Gaucheret, dont le nom fait référence à un grand propriétaire terrien du 18ème siècle.  La création d’un nouveau parc le long de la rue Gaucheret est aujourd’hui  un atout majeur pour la revitalisation du quartier.  Arpentons cet espace vert : pour le plus grand bonheur des jeunes et moins jeunes, des sources d’eau, des rocailles, des espaces de jeu de balles et de belles pelouses agrémentent ce jardin urbain original.

Sans doute avez-vous déjà entendu parler de ce nouvel immeuble surgi au beau milieu du boulevard Albert II et qui en ferme la perspective : la Tour Zénith ! Allons la voir de plus près.  De ses quatre-vingts  mètres de haut, elle marque  la transition entre le quartier d'affaires de l'Espace Nord, découvert en début de promenade et la zone résidentielle ancienne du quartier Gaucheret. Conçu par les architectes français M. Macary et L. Delamain, en collaboration avec le Belge José Vandevoorde, ce bâtiment translucide intègre des jardins suspendus qui constituent le prolongement visuel du jardin de Wirtz. Voici donc tout un quartier qui reprend vie grâce, notamment, à la mise sur pied du projet de l’espace Gaucheret initié depuis la fin des années 90  par la commune de Schaerbeek et le privé: bureaux, logements, commerces et crèches se développent dans  huit nouveaux immeubles situés à l’arrière de la tour Zénith.

Un bâtiment relie le parc et la place et se laisse traverser.  La Maison des Citoyens est conçue comme une table dressée autour de laquelle échanges, rires et discussions peuvent trouver  place.  L’atelier d’architecture Pierre Hebbelinck a combiné une structure de béton et de briques rouges pour y accueillir les activités créatives et les services d’aide. Ce lieu est un véritable espace de rencontre ouvert aux habitants du quartier.

Au n°13 de la Place Gaucheret l’atelier ABC (ART BASICS for CHILDREN) a intégré depuis 2008 un ancien bâtiment industriel reconnaissable à ses vastes baies vitrées.  Tentés par un atelier textile, bois, pliage, peinture ? ABC développe  des expositions interactives où les enfants sont incités à travailler, apprendre, jouer, écouter et explorer un thème par le biais d’activités multiples.

Combien d’heures de train pour relier Bruxelles à Pékin ?  Quelle était la longueur du réseau de chemin  de fer en 1835 ? Les réponses à ces questions sont inscrites à jamais dans la large bande diagonale marquant le sol de la place Gaucheret : c’est le fruit d’un travail mené par des élèves sur l’histoire du développement du chemin de fer dans notre pays.

A l’angle opposé, une belle façade  de briques percée de  larges et hautes fenêtres se dresse rue Gaucheret. Il s’agit de l’école communale n°8 édifiée en 1913 et dont le nom officiel fait référence à  Frédéric De Jongh, un ancien directeur fusillé en mars 1944 à Paris pour avoir participé à une filière d’évasion vers la zone libre.

Poursuivons notre découverte en remontant la rue Gaucheret : nous aboutissons à la rue portant le nom de Charles Destouvelles  vice-président du Congrès National. Ce quartier d’habitations avec ses balcons, ses quelques belles corniches en bois et ses façades récemment rafraichies retient notre attention à l’instar du n°14, une maison de maître offrant une riche décoration et une intéressante finition des corniches en bois.

En prenant à gauche la rue du Progrès,  nous passons un peu plus loin sous les voies du chemin de fer. La rue d’Aerschot - dénommée jusqu’en 1919 « rue de Cologne » puis rebaptisée du nom d’une commune particulièrement éprouvée  par l’occupation allemande durant la 1ère guerre mondiale - aboutit dans la rue des Palais. A hauteur du  n°181, nous voici face à l’ancienne église Saint François, actuellement dédiée au culte orthodoxe roumain. Cette église néogothique (Archit. C. Almain de Hase) de briques rouges desservait jadis le couvent des Franciscains que nous  longeons en prenant la rue Vanderlinden sur la gauche. 
A deux pas de la zone ferroviaire que nous avons traversée, se développait jadis, en intérieur d’îlot, toute une activité  industrielle.  Plusieurs bâtiments ont fait l’objet d’une reconversion/réhabilitation. Au n°22 l’architecte Luc Schuiten a dessiné une façade contemporaine abritant un ancien entrepôt  agrandi et transformé par Michel Polak.    Ces espaces sont convertis aujourd’hui en bureaux, entreprises ou lofts. 

Autre exemple : plusieurs associations néerlandophones, tel que le centre culturel De Kriekelaar, occupent l’arrière de l’ancien passage cocher au n°46, un intérieur d’ilot occupé jadis par une ancienne usine pharmaceutique. Plus loin à gauche, descendons  la rue du Pavillon dont le nom fait référence à un abri pour garde-barrière de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Malines.  Entre la rue du Pavillon n°61 à 63 et la rue Van Schoor une odeur prenante  de chocolat devait réveiller autrefois les papilles gustatives : elle émanait des anciennes chocolateries Senez-Sturbelle.

Sur le trottoir opposé, dans le bas de la rue, une ancienne brasserie fut quant à elle, convertie  dans la seconde moitié du 19ème en  ateliers de moulages des établissements Aubert Blaton.  Aujourd’hui cette construction en briques éclairée par des baies cintrées aux encadrements noirs complétés par des éléments décoratifs en pierre bleue, attire encore le regard.

En face des établissements Blaton se dresse l’une des deux synagogues du quartier. L’étoile de David a inspiré la composition de l’architecte Remy Van der Looven qui, en 1963, a conçu cette façade ajourée en béton armé laissant largement filtrer la lumière. Quel changement d’ambiance alors que le boulevard Albert II n’est qu’à quelques pas d’ici !