Parcours n°9 Le Quartier des Fleurs

Blotti dans un creux du Parc Josaphat, le Quartier des Fleurs ressemblerait, vu du haut du clocher de l’église Sainte-Suzanne, à une longue goutte d’eau. Délimité d’un côté par le boulevard Lambermont, de l’autre par l’avenue Latinis, où se concentrent les quelques commerces du quartier, les rues doucement incurvées de ce quartier résidentiel portent des noms de fleurs : Glycines, Capucines, Mimosas, Héliotropes, Pensées ou Jacinthes… Ce bouquet toponymique déborde d’ailleurs également au delà du Parc Josaphat (av. des Azalées ou des Pâquerettes). L’urbanisation de ce quartier bourgeois démarre au début du XXe siècle par le Boulevard Lambermont, mais la guerre 14-18 interrompt les projets qui reprendront dans les années 20 et se poursuivront durant les années 30-40. A cette époque, le Quartier des Fleurs jouxtait l’ancien cimetière déplacé à Evere en 1972 et aujourd’hui occupé par la plaine des sports. Au delà, la Cité-jardin Terdelt, bâtie à la même époque et inaugurée en 1926, permit de répondre au manque de logements bon marché à la sortie de la guerre. Ce quartier des Fleurs est en rupture avec le bâti plus ancien schaerbeekois. Les maisons prennent des airs de villas, affichent des jardinets fleuris bordés de grilles ouvragées et de haies. Charme, élégance et pittoresque garantis !

Devant vous, l’Eglise Sainte-Suzanne, aujourd’hui classée, est la première église en béton de Bruxelles. S’inspirant de Notre-Dame du Raincy d’A. Perret, l’architecte J. Combaz choisit, en 1925, pour ce tout nouveau quartier la radicalité géométrique sans pour autant renoncer à certains ornements de façade. Elle semble entourée de douves qui mènent aux locaux paroissiaux. Les murs sont percés de larges baies garnies de vitraux magnifiques réalisés par le maitre verrier J. Colpaert et dessinés par S. Steger entre 1950 et 1956. L’église était si lumineuse à l’origine qu’il fut décidé, dès les années 30, de l’assombrir en condamnant les vitraux du choeur et des lanterneaux.

En prenant l’avenue des Glycines, vous admirez au N°22, la façade d’un petit immeuble de rapport réalisé par J. Bal en 1935. Des balcons arrondis, des hublots, des gargouilles géométrisées et deux poissons soulignent les emprunts au « style paquebot ». Au N°8, cette villa trois façades se pare de faux colombages. Les références anglaises sont à la mode dans les années 20 et l’architecte Huberty n’hésite pas à faire ressembler cette maison à un cottage au toit en multiples décrochages (on retrouve ce style au N°27 Mimosas).

Le règlement urbanistique de l’époque imposant de laisser une zone non construite de 10m entre des ensembles de cinq maisons va favoriser la construction d’immeubles trois façades et stimuler les architectes à magnifier les divers points de vue. Les immeubles d’angles sont particulièrement mis en valeur dans le quartier. Les courbes de la façade moderniste à l’angle de l’avenue des Glycines et de la rue des Mimosas soulignent l’entrée vers cet axe élégant.

Au N°15 de la rue des Mimosas, l’architecte A. Dehaen réalise en 1932 cette imposante maison dont l’appareillage de briques rappelle l’Ecole d’Amsterdam. Bâtie pour le Ministre des Colonies, elle a conservé ses beaux vitraux géométriques. Dehaen avait construit pour lui-même - dix ans plus tôt - la maison qui lui fait face surmontée d’un aigle (N°6) ! Au passage, vous découvrez la subtile harmonie des éléments décoratifs qui ornent le N°23. Tout y fleurit : la grille du jardinet, le fer forgé de la porte d’entrée, le balcon et les vitraux.

Au N°44, Adrien et Yvan Blomme signent en 1938 cet hôtel de maître luxueux où vous distinguez, sur la droite, la partie réservée aux domestiques. La grille de clôture s’orne des signes du Zodiaque. Son commanditaire, Alphonse Zieren, avait souhaité des finitions avant-gardistes pour l’époque : un chauffage au sol serpentin et une salle de culture physique.

Deux ans plus tôt, G. de Hens gagnait un prix pour la maison édifiée au N°63 d’esprit moderniste marquée également par l’Ecole d’Amsterdam. Voyez comme la mosaïque noire joue de contraste avec la brique sable.

René et Georgette Magritte s’installèrent, en 1954, au N°97, une charmante maison de style Cottage. C’est là qu’il peint, entre autre, l’Empire des Lumières (1954). Désormais reconnu internationalement, Magritte y meurt en 1967. Sa tombe, aujourd’hui classée, se trouve au cimetière de Schaerbeek.

En rejoignant le boulevard Lambermont, vous découvrez deux autres immeubles d’A. Blomme, le premier au N°440, le second un peu plus bas. Au N°416, A. Staatje transforma radicalement, en 1938, un hôtel de maitre éclectique de 1912. La structure et l’ancien décor de céramique sur le trumeau de façade furent préservés. La grille est spectaculaire. Vous retrouvez A. Blomme avec la vaste maison de briques au N°392. Sa façade latérale longe l’accès à un petit clos où se blottissent, à l’abri du trafic urbain, quelques villas des années 20. Aux N°378-380, deux hôtels de maîtres de 1912 jouent aux faux jumeaux. Au printemps, la glycine envahit ces belles façades Art Nouveau.

À l’angle du boulevard N°374 et de l’avenue des Héliotropes, cette large villa de style Normand conçue par F. de Pauw en 1922 devait bénéficier du haut de ses tourelles d’une vue magnifique sur le Parc Josaphat et la ville.

En remontant l’avenue des Héliotropes, on découvre au N°2 une maison de type Beaux-Arts construite par P. Bonduelle. Une dizaine d’années plus tard, le N°2A constituera l’agrandissement moderniste conçu par J. de Ligne.

En rejoignant l’avenue Latinis, au N°119 à l’angle de l’avenue des Jacinthes, J. et R. Michel dessinent, en 1929, un petit immeuble de rapport arrondi de style Art Déco comportant deux appartements bénéficiant, chacun, de leur porte d’entrée.

Observez les détails de ces façades de l’avenue Latinis. Vive l’ornement ! Au N°135, deux enfants bien potelés jouent avec des oiseaux ou une mandoline. Un peu plus loin, au N°84, une biche sculptée et des colonnes grecques. Au N°79, une élégante maison Art Déco ayant conservé ses vitraux d’origine embellit l’avenue de son savant jeu de briques.

Au delà de l’Eglise Sainte-Suzanne, vous quittez peu à peu, le charme pittoresque du quartier pour retrouver une atmosphère plus urbaine. Les jardinets disparaissent au profit des commerces. Une toile d’araignée vous salue au N°13. La belle brasserie Cochaux (angle de l’avenue Latinis N°2 et G.Kennis) semble défier le temps.

Le parcours se clôture en rejoignant le boulevard Lambermont. Au N°242, J-B Dewin, à qui l’on doit la maternité d’Ixelles et l’Hôtel communal de Forest, construit, en 1938, cette vaste maison dans un style Art Déco tardif. L’entrée, centrale, est protégée par un petit porche posé sur des colonnes ornées d’oiseaux, signature sculptée de cet architecte qui parsema son architecture d’un joyeux bestiaire.