Bruxelles a son « Manneken Pis », Ixelles, son « Tijl Uylenspiegel », Liège, ses « Tchantchères et Nanesse »,… Schaerbeek a aussi son personnage légendaire et folklorique. Il répond au doux nom de « Pogge » !
Légendaire… ? Vraiment ?
Savez-vous que le petit « Pogge » a réellement existé ?
Son vrai nom est Pierre De Cruyer (1821 – 1890).
De condition modeste, Pierre De Cruyer entre à l’armée à l’âge de 21 ans. Il n’y manifeste toutefois que peu d’enthousiasme et y excelle surtout par son absentéisme et sa très grande consommation d’alcool…
A l’âge de 34 ans, il épouse Anne-Catherine Crabs, une fille de Dieghem, à l’église Saint-Servais de Schaerbeek. Ils ont 5 enfants dont 4 meurent en bas-âge. Seul le second, aussi prénommé Pierre, survit. La famille habite dans une petite maisonnette à un étage, dans la rue de Génisse, à l’emplacement occupé aujourd’hui par le 394 de la chaussée de Haecht.
Pierre De Cruyer travaille alors comme fermier (d’où son uniforme : blouse bleue, foulard rouge, pantalon noir et casquette de soie noire) et comme employé d’une usine à gaz. Avec son âne, il accompagne régulièrement les maraîchers schaerbeekois qui se rendent dans la capitale. C’est vers cette époque qu’il est surnommé « Pogge », abréviation de « Pouchelle » ou « Poesjenel », car il est de petite taille (1m 57). De plus, les lourds travaux et l'âge lui ont voûté le dos, ce qui le fait paraître encore plus petit !
Petit homme donc, mais grande âme ! C'était aussi un philanthrope à sa manière. Foncièrement honnête il travaillait à l'usine de gaz, rue du Marché à Schaerbeek. Un jour, l'employé payeur de l’usine à gaz où il travaille lui remet par distraction une cartouche pleine de pièces d'or, qu'il s'empresse de rapporter !
En 1883, Pogge perd son épouse et commence à fréquenter plus assidûment les estaminets des environs. Il y consomme inlassablement nombre de verres de Geuze ou de faro, en compagnie de son fidèle ami Jean Parici. Les Schaerbeekois finissent par s’enticher de ce personnage honnête, loyal et sympathique, et réclament son avis sur tout. En conséquence de quoi, Pogge donne ses jugements en annonçant systématiquement sa sentence avec sa petite phrase fétique : « Alles is just » (« Tout est juste »).
Les gosses du quartier, moins respectueux que les aînés, ont l’habitude de lui tapoter sur le crâne en le surnommant « Pogge de Boer ».
Sentant décliner ses facultés, Pogge se retire finalement à l’asile des vieillards, au 266 de la rue Haute à Bruxelles. Il y rend son dernier soupir le 16 juin 1890, à l’âge de 70 ans.
Les Amis de Pogge
En 1875, un groupe de joyeux compères décident de créer, en l’hommage de Pogge, une association dite « Les Amis de Pogge » (ou « Pogge Vrienden »).
Profitant de l’annulation de la commande d’une statuette destinée à l’origine à l’église Saint-Servais, les Amis de Pogge en font l’acquisition et la revêtent d’une blouse bleue, d’un foulard rouge, d’un pantalon noir et d’une casquette noire pour la faire ressembler au Pogge historique.
L’association se réunit au café « Aux Trois Rois » et institue une kermesse en l’honneur de Pogge (la « Pogge Kermis »). Jusqu’en 1990, cette kermesse a lieu chaque année vers le milieu du mois de septembre. A cette occasion, la statuette du petit « Pogge » est promenée dans les rues du quartier.
Une statue à Houffalize
Tous les Schaerbeekois connaissent le carrefour dénommé erronément « Place Pogge », où aboutissent les rues Alfred Verwée , Pieter Paulis Rubens, Henri Bergé, Charles Vogler, Ernest Laude et Andréas Gossens.
Mais savez-vous qu’une statue de Pogge se trouve à Houffalize ?
Située dans la rue de Schaerbeek, elle est l’œuvre du sculpteur Louis Van Custem et a été offerte à cette ville ardennaise lors du jumelage le 17 août 1952.
La chanson de Pogge
Pogge est ce petit bonhomme
Un jour, il a fait ses valises
Qui n'est pas plus haut que trois pommes
Pour s'en aller à Houffalize
Quand il disait « alles es just »
Il lève fièrement la main
Les gens n'en demandaient pas plus
Là-bas, au détour du chemin
Et c'est ainsi depuis lors
Dans son sarrau de paysan
Il est entré dans le folklore
Il semble défier le temps
Il a gardé beaucoup d'amis
Il s'y est fait beaucoup d'amis
Qui aujourd'hui sont réunis.
Qui chantent quand ils sont réunis
REFRAIN
Levons nos verres tous à la fois
Au plus célèbre des Schaerbeekois
Pour nous, il est toujours vivant
Même s'il n'est plus depuis longtemps
Il défendit nos libertés
Dans tous les cafés du quartier
Ainsi, buvons à sa santé
Car il l'a vraiment bien mérité.
Source: "Si Schaerbeek m'était conté..." van Léon Verreydt, 1999, Edition History